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DMP CORPORATION, exploitant de la marque Prestanotaire, a demandé au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la résolution des 2 et 3 juillet 2019 du Conseil Supérieur du Notariat relative à la sous-traitance des activités  notariales.

Les Conclusions du rapporteur public :

N° 434007 – Société DMP Corporation

6ème et 5ème chambres réunies. Séance du 9 avril 2021 Lecture du 5 mai 2021

CONCLUSIONS

M. Olivier Fuchs, rapporteur public

L’affaire qui vient d’être appelée vous permettra notamment de préciser si le Conseil supérieur du notariat dispose d’un pouvoir réglementaire et, le cas échéant, de déterminer l’étendue de celui-ci.


Lors de l’Assemblée générale de ce Conseil supérieur qui s’est tenue les 2 et 3 juillet 2019, deux résolutions ont été adoptées. La première porte sur la mutualisation entre offices nationaux, c’est-à-dire sur les possibilités de mise en commun, temporaire ou pérenne, de ressources humaines et / ou logistiques. La seconde résolution, qui est attaquée par la voie de l’excès de pouvoir, porte sur le recours à la sous-traitance dans l’exercice des activités notariales lorsque la mutualisation n’a pas été suffisante. Le Conseil supérieur y encadre les conditions dans lesquelles les offices peuvent recourir à des prestataires externes pour accomplir un certain nombre de tâches.\


Cette résolution est composite. Dans une première partie, il est d’abord énoncé que dès son adoption, les sous-traitants, dès lors qu’ils recueillent ou manient des données numériques à raison du service proposé aux offices, sont tenus d’être labellisés et de respecter la charte pour un développement éthique du numérique notarial. La résolution indique ensuite que les traitants devront, dans un second temps, respecter les clauses d’un cahier des charges qui sous participera à la mise en place d’une procédure d’agrément. Dans une seconde partie, l’Assemblée générale indique que l’agrément ne pourra concerner que les tâches détaillées comme susceptibles de faire l’objet d’une sous-traitance et interdit, en dehors de celles-ci, le recours à la sous-traitance. Elle fixe ainsi un tableau des tâches pour lesquelles une telle sous-traitance est possible.


L’adoption d’une telle résolution doit être considérée dans le cadre plus général de modernisation des règles d’accès à la profession de notaires. Il a été mis en évidence, à plusieurs reprises[1], que l’ancien système de présentation des notaires avait conduit à un certain malthusianisme de dirimantes pour la profession,  se traduisant notamment par des barrières à l’entrée les jeunes diplômés et un maillage territorial inadapté. Le législateur est donc intervenu avec la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques afin de permettre une plus grande ouverture de la profession. L’article 52 de la loi du 6 août 2015 a prévu un principe de liberté d’installation régulée visant en particulier à faciliter l’installation des nouveaux notaires. Du fait de ces réformes, le nombre d’offices notariaux est passé de 4 589 au 1er janvier 2016 à 6 851 cinq années plus tard[2]. Mais l’installation n’est pas tout. Encore faut-il ensuite que les offices se créent une clientèle pour développer une activité réelle et réussissent à remplir les missions qui leur sont confiées. Le président du CSN, M. H..., indiquait ainsi à une revue professionnelle en novembre 2018 qu’un quart seulement des nouveaux offices employaient au moins un salarié et il précisait que « travailler tout seul, cela nécessite qu’on puisse avoir des référents au sein des compagnies, mettre en place des délégations de travail, une sous-traitance, voire une co- organisation du travail»[3].
 

Les questions de mutualisation et de sous-traitance sont donc majeures. Elles participent d’une assistance apportée notamment aux jeunes offices et une réglementation trop stricte des conditions dans lesquelles il peut y être recouru pourrait être regardée comme une barrière invisible et indue mise à l’entrée de cette profession réglementée. Ceci étant dit, il est tout aussi important de prévenir les potentielles dérives qui pourraient résulter d’un usage trop systématique ou intense par certains notaires des possibilités ainsi offertes, en particulier au regard des règles déontologiques applicables à la profession.
 

Ce contexte constitue la toile de fond de l’affaire appelée, à laquelle il faut maintenant venir.
 

Précisons simplement à titre liminaire que nous n’avons pas de doute sur la compétence de la juridiction administrative s’agissant d’un litige qui tend à déterminer si le Conseil supérieur du notariat, personne morale de droit privée chargée d’une mission de service public qui joue un rôle dans l’harmonisation des règles et usages applicables à la profession, dispose du pouvoir de prendre des résolutions de portée générale ayant vocation à s’appliquer à l’ensemble de celle-ci  (voyez TC, 18 juin 2001, Ordre des avocats au barreau de Tours, n°3250, au Recueil)[4] dernier ressort au titre du 2° de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, . Et dès lors il nous semble que vous êtes bien compétents en premier et ainsi l’a  d’ailleurs déjà implicitement reconnu votre juge des référés dans d’autres affaires[5].
 

Précisons, en second lieu, que si le Conseil supérieur du notariat a édicté, depuis lors, un Guide pratique de la mutualisation et de la sous-traitance qui reprend pour partie, tout en les précisant, la résolution en litige, il y a tout de même lieu de statuer sur cette résolution qui est attaquée par voie d’action. Et si ce Guide n’est pas contesté devant vous, ce que vous jugerez aujourd’hui ne sera pas sans portée sur celui-ci. 
 

1. La requête, ensuite, nous semble recevable mais il faut, pour en arriver à cette conclusion, surmonter deux obstacles.
 

1.1. La première question est de savoir si la résolution attaquée constitue un acte susceptible de recours pour excès de pouvoir. Le Conseil supérieur du notariat oppose une fin de nonrecevoir sur ce point en faisant valoir que cette résolution se borne, pour partie, à rappeler l’état du droit existant et, par ailleurs, à annoncer une décision à venir.


Cette fin de non-recevoir peut être écartée. D’une part, nous vous dirons dans un instant que nous croyons que la résolution présente, sous de nombreux points, les traits d’un texte réglementaire. D’autre part parce que la résolution en cause produit bien des effets notables et, sous l’empire de votre décision GISTI du 12 juin 2020[6], elle nous semble donc susceptible d’un recours pour excès de pouvoir.

 

Pour préciser notre pensée, il nous apparaît d’abord que la résolution comporte des dispositions relatives à la labellisation qui sont d’essence réglementaire. Ensuite, si le Conseil supérieur des notaires fait valoir que le tableau listant les domaines dans lesquels la sous-traitance est ou non permise constituerait le simple rappel de l’état du droit existant, ce sur quoi nous vous dirons plus tard que nous avons des doutes, il nous paraît tout de même certain qu’un tableau listant les activités pouvant ou non être sous-traités produit des effets notables sur la profession et au-delà, notamment, sur les sous-traitants. En ce qui concerne enfin le dispositif d’agrément, il ne fait pas de doute que la résolution ne détermine pas, par elle-même, le dispositif qui sera mis en œuvre et renvoie pour ce faire à de futures décisions. Mais elle acte le principe même de l’existence d’un agrément ce qui, là encore, a une forte consonance réglementaire. Ajoutons enfin que la méconnaissance de ces règles pourraient donner lieu à sanction disciplinaire.


Enfin, et plus généralement, nous croyons qu’il serait assez artificiel d’isoler, au sein de la résolution, la seule partie relative à l’agrément : ce à quoi prétend la résolution attaquée, c’est en effet à la définition d’un système général de recours à la sous-traitance, en deux étapes et en déterminant les matières qui peuvent en faire l’objet. Le tout nous paraît indissociable et seule une lecture globale est à nos yeux pertinente. Nous vous proposons de dire que la résolution attaquée est bien susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir[7].
 

1.2. La seconde fin de non-recevoir vous retiendra moins. La société requérante exerce une activité consistant à mettre en relation des notaires et des fournisseurs pour  l’accomplissement des prestations techniques telles que la rédaction d’actes, la comptabilité ou encore les formalités préalables. Il nous semble donc qu’elle dispose bien d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la résolution attaquée, qui l’affecte directement. Vous pourrez donc écarter cette fin de non-recevoir. 
 

2. Vous en viendrez alors à la question qui a justifié l’inscription de ce dossier au rôle de vos chambres réunies, relative à la compétence du Conseil supérieur des notaires pour adopter la résolution attaquée. Un moyen d’ordre public a sur ce point été communiqué aux parties.
 

Précisons qu’à notre connaissance, vous ne vous êtes à ce stade jamais prononcé sur l’existence et le cas échéant la portée du pouvoir réglementaire détenu par la Conseil supérieur du notariat.
 

2.1. Il faut, pour commencer, partir des textes. En vertu de l’article 6 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, le Conseil supérieur du notariat a notamment pour mission de représenter l'ensemble de la profession auprès des pouvoirs publics et de prévenir ou concilier tous différends d’ordre professionnel entre les chambres des notaires ou entre les notaires ne relevant pas du même conseil régional. Cette ordonnance ne reconnaît pas de pouvoir réglementaire propre au Conseil supérieur, alors même qu’elle donne compétence aux chambres des notaires pour établir, en ce qui concerne les usages de la profession et les rapports des notaires tant entre eux qu’avec la clientèle, un règlement soumis à l'approbation du ministre de la justice[8].
 

A défaut de trouver une assise législative, il faut alors se référer au décret n°71-942 du 26 novembre 1971. En son article 26, celui-ci dispose que « le Conseil supérieur du notariat peut établir, en ce qui concerne les usages de la profession à l'échelon national et les rapports des notaires établis dans des ressorts de cours d’appel différentes, un règlement qui est soumis à l’approbation du garde des sceaux, ministre de la justice ». A donc été confié par ce biais au Conseil supérieur un pouvoir aux contours restreints et qui est, si vous nous permettez ce terme, retenu, puisque soumis à l’approbation du ministre de la justice.
 

2.2. Le Conseil supérieur du notariat vous demande d’avoir une approche libérale de ces textes dont il soutient qu’ils ont nécessairement entendu lui attribuer les pouvoirs indispensables à la mise en œuvre des missions qui lui sont confiées. Et en pratique, il fait valoir de légitimes préoccupations, notamment que sans l’éclairage fourni par les résolutions, les offices seraient confrontés à des choix complexes et exposés à des offres de services qui pourraient être incompatibles avec les règles déontologiques.
 

La question de l’octroi d’un pouvoir réglementaire aux autorités administratives que la doctrine dit parfois « secondaires »[9] n’est pas nouvelle. L’abordant dans son cours, le président Odent indiquait déjà que l’attribution d’un pouvoir réglementaire à des organismes privés est faite avec circonspection, puisqu’elle limite d’autant le pouvoir réglementaire du gouvernement, et que la jurisprudence se montre généralement restrictive dans l’interprétation de ces dispositions[10].
 

Cette voie restrictive est toujours celle suivie par votre jurisprudence. Certes, dans une décision SEL Landwell et associés du 17 novembre 2004 que ne manque pas d’invoquer le Conseil supérieur du notariat, vous avez reconnu au Conseil national des barreaux un pouvoir réglementaire pour unifier les règles et usages des barreaux, renversant alors la perspective qui prévalait jusque-là[11]. Mais vous n’avez alors fait que tirer les conséquences de l’intervention du législateur lequel, modifiant l’article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, avait bien entendu confier un tel pouvoir réglementaire au CNB. Et vous n’avez eu de cesse, depuis, de veiller à ce que le CNB n’excède pas les limites des compétences qui lui ont été ainsi confiées[12].
 

Votre contrôle doit être d’autant plus regardant lorsque l’acte en cause concerne la réglementation d’une activité économique, ici celle des activités de sous-traitance. Le fait de subordonner une activité à une déclaration préalable ou, plus généralement, à un régime juridique restrictif portant atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie et à la liberté d’entreprendre, ne peut ainsi être envisagé que dans le cadre d’une articulation bien pensée entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire, ce dernier ne pouvant que préciser ou compléter la législation restrictive en cause. Vous estimez de manière générale qu’il en va ainsi en ce qui concerne les professions réglementées, mais c’est bien entendu à la condition de ne faire que préciser ou compléter la législation en cause (voyez en particulier CE, Ass., 7 juillet 2004, Ministre de l’intérieur c/ B..., n°255136, au Recueil).
 

Dans ce cadre, et au regard des dispositions qui régissent la profession, nous croyons que le pouvoir purement réglementaire du Conseil supérieur du notariat est restreint, puisqu’il se limite essentiellement à l’établissement du règlement prévu à l’article 26 du décret du 26 novembre 1971, lequel est soumis à l’approbation du ministre. Le cas échéant, le Conseil supérieur peut également tirer un pouvoir réglementaire de textes plus spécifiques, comme nous allons le voir dans un instant.
 

3. Quelles conséquences convient-il d’en tirer en ce qui concerne le litige ? Reprenons chaque bloc de dispositions.
 

3.1. Le premier bloc est relatif à la labellisation et la signature de la charte éthique. Le Conseil supérieur du notariat fait valoir disposer du pouvoir d’imposer une telle mesure puisqu’il lui revient d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information utilisés par les offices notariaux. Il se prévaut notamment de l’article 16 du décret du 26 novembre 1971, qui pose le principe de cette interopérabilité et indique que l’utilisation par les offices d’un système de traitement et de transmission de l’information doit être agréé par lui. Il souligne par ailleurs que le règlement intérieur qu’il a établi et qui a été approuvé par la ministre de la justice en 2014 dispose d’une part que « le notaire se conforme aux téléprocédures telles qu’elles sont définies par conventions ou circulaires du Conseil supérieur du notariat » et que, « préalablement à l’établissement d’un acte authentique, chaque office doit s’assurer que son système d’information a été régulièrement agréé ». 
 

Vous pourriez avoir un léger temps d’hésitation et vouloir tirer de ces dispositions une compétence du Conseil supérieur du notariat pour établir un système de labellisation des sous-traitants qui manient des données électroniques. Mais nous croyons tout de même que cela serait aller trop loin. Les dispositions en cause se limitent aux systèmes utilisés par les offices notariaux et assurer l’interopérabilité de ces systèmes n’implique pas nécessairement une procédure de labellisation des sous-traitants des offices. En particulier, l’absence de labellisation et de signature de la charte éthique ne nous semble pas plus susceptible de poser un problème de fonctionnement général de ces systèmes ou en renforcer les risques de défaillance. En d’autres termes, la labellisation des sous-traitants n’est pas une conséquence nécessaire des dispositions invoquées[13]. Elle ne peut donc relever du pouvoir réglementaire résiduel du Conseil supérieur du notariat, d’autant qu’elle constitue l’encadrement d’une activité économique tierce à l’activité notariale au sens propre.


Nous vous proposons donc de dire que le Conseil supérieur du notariat n’était pas compétent pour établir cette règle. Si comme nous vous lisez la résolution comme un tout, vous pourriez vous en arrêter là.
 

3.2. Poursuivons néanmoins en ce qui concerne la procédure d’agrément. Nous vous avons dit que nous croyons qu’en posant le principe même de cet agrément, le Conseil supérieur du notariat a édicté une règle. Si vous passez ce pas, et que vous n’adhérez donc pas à ce qui est dit en défense sur le caractère purement éventuel de cette partie de la résolution, alors vous serez également conduit à dire que celle-ci est, sur ce point, entachée d’incompétence. Il s’agit d’un a fortiori par rapport à ce que nous venons de dire sur la labellisation.


3.3. Enfin, se pose la question du tableau fixant le champ des activités pouvant être sous- traitées. En pratique, cette partie de la résolution a des incidences majeures puisqu’elle ouvre très grand la porte à la sous-traitance ou la ferme à double tour suivant les activités énumérées. On comprend donc aisément qu’au regard des problématiques soulevées par l’installation de nouveaux offices, elle soit centrale. 
 

Le Conseil supérieur soutient que ce tableau ne fait que tirer les conséquences nécessaires de la loi. Certes, il n’existe pas de dispositions législatives ou réglementaires qui, par elles mêmes, permettraient ou non le recours à la sous-traitance. Mais on peut aisément rejoindre le Conseil supérieur du notariat sur le constat que certaines règles font obstacle à la sous-traitance de certaines activités. Il apparaît ainsi que certaines activités ne peuvent être soustraitées, notamment lorsqu’elles conduiraient nécessairement à porter atteinte à certaines règles déontologiques et, en particulier au secret professionnel. Il en va peut-être également ainsi des activités que la loi réserve explicitement au monopole des notaires, bien que l’on puisse avoir une hésitation sur ce point : d’autres professions offrent ainsi des exemples de collaboration avec des prestataires extérieurs y compris en ce qui concerne le cœur de leur activité.

 

La résolution attaquée ne fait mention, dans ses visas, que de dispositions relatives au secret professionnel : article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, article 226-13 du code pénal et dispositions du décret du 26 novembre 1971. Les notaires ne peuvent ainsi divulguer aucune information, notamment des informations nominatives qui permettraient l’identification d’un client[14]. Au-delà, le passage en revue des textes, déjà cités, qui régissent la profession, permettent de faire émerger des dispositions pouvant sans doute justifier l’exclusion de telle ou telle activité. Cet ensemble très composite ne permet toutefois pas de distinguer, de manière précise, les missions qui doivent être réalisées par le notaire lui-même. 


Or, la résolution se prononce sur des champs d’activité de manière à la fois très définitive, c’est-à-dire sans ouvrir aucune possibilité de discussion sur l’application de la règle dans un cas précis ou de dérogation à cette règle, et en identifiant des catégories finalement assez grossières. Certes, certains champs, par exemple l’ouverture des dossiers clients, la réception des actes ou la rédaction des testaments semblent échapper par nature à la sous-traitance. A la réflexion toutefois, tout ne semble pas aussi simple que le pose la résolution. Et le guide pratique édité par après apporte d’ailleurs des précisions qui soulignent les approximations initiales. Ainsi, alors que la résolution attaquée ouvre la voie de la sous-traitance en matière de formalités préalables et postérieures ou de comptabilité de l’office, la situation n’est pas aussi limpide, au regard par exemple de toutes les formalités nécessitant la clé REAL, qui permet d’authentifier un acte électronique, ou l’activ card, en ce qui concerne les services bancaires, qui sont détenus par les notaires eux-mêmes et auxquels les sous-traitants ne pourraient pas avoir accès. A l’inverse, on peut avoir de forts doutes sur le fait que toute sous-traitance soit réellement impossible par exemple en matière de gestion locative, de négociation immobilière voire en conseil de gestion de patrimoine.
 

Ces éléments nous convainquent, pour notre part, de ce que certaines des catégories que ce tableau désigne, par leur généralité, ont pour effet d’interdire la sous-traitance de certains actes, sans que cette exclusion soit la conséquence nécessaire des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Et surtout, et au risque de nous répéter, nous sommes convaincus, comme nous vous l’avons dit, que la résolution doit être lue globalement, comme un tout non dissociable portant encadrement de la sous-traitance et que, dans ce cadre, il n’y aurait pas de sens à n’en annuler qu’une partie.


Et par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête, nous concluons à l’annulation de la résolution attaquée et au rejet des conclusions présentées par le Conseil supérieur du notariat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 

 

1 Voir notamment IGF, Les professions réglementées, mars 2013 ; R. Ferrand, Rapport au ministre de  l’économie, Les professions réglementées. Pour une nouvelle jeunesse, octobre 2014 ; Autorité de la  concurrence, avis n° 16-A-13 du 9 juin 2016.  

2 Selon les chiffres du ministère de la justice, voir « Loi Macron : près de 700 nouveaux notaires libéraux en  2019-2020 », sur www.justice.gouv.fr.

3 Entretien avec J.-F. Humbert, La semaine juridique Notariale et Immobilière, novembre 2018, n°45, act. 860.

4 Vous seriez en revanche incompétents pour vous prononcer sur des actes purement internes, organisant le  fonctionnement de la personne morale de droit privé, dont seul le juge judiciaire peut connaître (voir CE, 28  décembre 2017, Syndicat des avocats de France et autres, n° 401665, aux Tables).  

5 Admettant implicitement la compétence du Conseil d’Etat pour examiner le règlement national édicté par le  Conseil supérieur du notariat et adopté par le garde des sceaux (JRCE, 24 avril 2018, T..., n° 420035, C) et une  circulaire de son président (JRCE, 18 janvier 2019, T..., n° 426479, C). 

6 CE, Section, 12 juin 2020, GISTI, n°418142, au Recueil.  

7 L’article 6.2 du règlement national indique en outre que « Le notaire a l’obligation de respecter les circulaires,  chartes, conventions et guides émanant du Conseil supérieur du notariat », ce qui est de nature à renforcer encore  l’idée selon laquelle des effets notables sont créés par cette résolution.

8 Article 4 de l’ordonnance.  

9 B. Faure, « Le problème du pouvoir réglementaire des autorités administratives secondaires », Cahiers du  Conseil constitutionnel, janvier 2006

10 R. Odent, Contentieux administratif, réédition 2007, tome 1, p. 270. 

11 Pour la situation antérieure à cette modification législative, voir CE, 27 juillet 2001, Ordre des avocats au  barreau de Tours, n°191706, au Recueil. 

12 Notamment en indiquant qu’il ne peut légalement fixer des prescriptions nouvelles qui mettraient en cause la  liberté d'exercice de la profession d'avocat ou les règles essentielles qui la régissent et qui n’auraient aucun  fondement dans les règles législatives ou dans celles fixées par les décrets en Conseil d'Etat prévus par l'article  53 de la loi du 31 décembre 1971, ou qui ne seraient pas une conséquence nécessaire d'une règle figurant au  nombre des traditions de la profession. Voir par exemple CE, 15 novembre 2006, M. K... et autre, n°283475, aux  Tables ; CE, 29 janvier 2018, Conférence des bâtonniers et autre, n°403101, au Recueil ; CE, 25 octobre 2018,  Fédération française des centres de médiation et autre, n°411373, aux Tables.

13 Voyez, pour un cas dans lequel une telle labellisation se déduit effectivement de dispositions législatives CE,  30 décembre 2015, Centre indépendant d’éducation de chiens guides d’aveugles, n°382756, aux Tables sur un  autre point

14 La portée du secret professionnel des notaires a récemment été précisée par le Conseil d’Etat (CE, 17 juin  2019, Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et autres, n° 400192, aux tables).  

Droits d'auteur : M. Olivier FUCHS, Rapporteur Public

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